(english below)

Samedi midi, les baroudeurs se sont (une fois de plus) fait livrer des pizzas au chalet. Bien que le soleil ait brillé, aucun des photographes n'est parti exercer son travail parce que les routes sont impraticables, remplies de gens qui n'apprécient pas forcément la nature, mais qui viennent "voir les couleurs" comme on dit ici, où c'est une tradition durant le premier week-end d'octobre (les parcs ferment les barrières et guérites de paiement du droit d'accès le dimanche suivant le 10 octobre, pour les rouvrir le vendredi précédent le 10 mai). On prend la voiture, et on roule pour "voir les couleurs", puis après avoir bien sillonné les routes, on rentre chez soi, jusqu'à l'an prochain où on recommencera au prochain automne.

De ce fait, dans le parc national, ça bouge partout, ça crie, ça vocifère même parfois, sans compter ceux qui se baladent avec la musique au max dans leurs hauts-parleurs, ou qui emmènent leurs chiens, normalement obligatoirement tenus en laisse, mais qui ne le font pas.

Agacés par tout ce remue-ménage, les baroudeurs ont préféré rester là, et nous les voyons discuter autour de leurs portions de pizza. Après tout, ils ont déjà pas mal fait le plein de photos des couleurs d'automne et peuvent laisser bien passer ce week-end.

Tout en mangeant, ils taquinent Shannen qui, depuis qu'elle sort avec Kyle, a tendance à rêvasser et prendre un peu de retard dans le post-traitement de leurs photos et la rédaction des pages du Carnet de Voyage les concernant. Shannen rougit, comme souvent avec sa claire peau de rousse et promet de rattraper son retard dans la semaine.

Voyant la gêne des deux amoureux, Nabil lance une proposition :

"Si on allait se balader à pied tous ensemble dans la zone interdite au public ? Éric nous avait dit qu'on pouvait y aller si on voulait".

"Il y a une zone interdite au public dans le parc ? Pourquoi l'est-elle ?" s'étonne Shannen.

"Ce sont des zones fragiles protégées. Interdire leur accès au public évite les impacts sur l'habitat et la reproduction de certaines espèces, autant animales que végétales", explique Oona. "Autrement dit, si on y va, il faudra de faire discrets et regarder où on pose les pieds".

C'est au retour, en fin d'après-midi, alors qu'ils retournaient au chalet, que Tina a timidement annoncé la nouvelle.

"J'ai reçu une offre d'emploi de la part du Jardin des Plantes de Montpellier. Ils veulent lancer des promenades d'initiation à la macrophotographie pour le grand public, et m'en confier l'organisation". 

"Eh bien ! C'est une belle opportunité pour toi : à la fois un job intéressant et à la fois le retour dans ton pays où tu n'auras pas à te geler les fesses cet hiver !", déclare Oona.

Aslan réagit immédiatement.

"Tu ne vas pas rompre tes contrats avec Ariane et Éric quand même ?". 

"Je ne sais pas. J'ai reçu cette offre ce matin et je n'ai pas vraiment pris le temps d'y penser", répond Tina.

De retour au chalet, ils se sont installés autour de l'ordinateur de Shannen pour regarder le film Superman en mangeant des sandwichs, et plus personne n'a reparlé de cette offre d'emploi.

Lundi, un front nuageux a chassé le soleil, promettant une baisse de températures drastique pour la fin de journée. La plupart des campeurs et touristes ont rapidement plié bagage dimanche et le parc national a presque retrouvé son calme.

Contre toute attente, puisqu'ils n'étaient plus allés faire de sorties photo ensemble depuis des mois, lorsque Tina avait décidé de s'acheter un vélo électrique, Aslan a proposé à la jeune femme de l'emmener faire une tournée dans le parc. Celle-ci a accepté immédiatement, lui confiant que leurs sorties-photo ensemble au printemps lui avaient un peu manqué.

Aslan a dirigé sa moto vers l'immense étang aux Cerises. Ils n'ont pas mis de casques, ni l'un ni l'autre, puisqu'ils comptent rouler très tranquillement à l'intérieur du parc national et qu'ils préfèrent sentir le vent sur leur visage.

Arrivés à l'extrémité de l'étang aux Cerises, Tina est descendue de la moto pour photographier quelques derniers insectes aquatiques ayant survécu aux premiers froids.

Aslan l'a interpelée.

"Je voudrais te dire quelque chose".

"Oui ? C'est quoi ?". 

"J'aimerais beaucoup que tu restes ici".

Tina se contente de le regarder longuement. Puis elle remonte sur la moto derrière Aslan, sans dire un mot.

Toutefois, ses bras serrent plus fort que tout à l'heure la taille du jeune homme.

Ils sortent du parc et roulent jusqu'à la rivière. Aslan arrête la moto et coupe le moteur. Il la place sur sa béquille et ils restent assis sans rien dire un long moment. Puis comme Tina n'a pas lâché sa taille, il pose sa main sur la sienne.

"As-tu pris ta décision pour ce travail à Montpellier ?". 

"J'y ai beaucoup réfléchi hier soir et ce matin, en effet. Je ne savais pas trop quoi en penser. Comme le dit Oona, c'est une grande opportunité de carrière, avec des avancements possibles ensuite, dans bien des domaines. Mais faire faire de la photo à des gens, ce n'est pas non plus ce que je rêvais de faire ; je veux faire mes propres photos".

Aslan la laisse parler, il écoute. Il attend. 

"Et puis, depuis tout à l'heure, pendant qu'on roulait, j'y ai encore plus pensé....". 

"Et ?"

"Je crois que je vais rester'.

"Tu crois ?".

"Non, j'en suis sûre".

"Pourquoi ?".

"Parce que tu me l'as demandé".

Leurs deux fronts s'appuient l'un contre l'autre quelques instants, et Tina le serre encore plus fort.

Ils sourient tous les deux et ne parlent plus de rien. C'est inutile.

Aslan a doucement remis la moto en marche et leurs deux coeurs battant à l'unisson, ils ont repris la direction du chalet.

Bonne journée :-)

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Saturday at noon, the photographers (once again) had pizzas delivered to the chalet. Although the sun shone, none of them left to do their work because the roads were impassable, filled with people who don't necessarily appreciate nature, but who came to "see the colors," as they say here, where it's a tradition during the first weekend of October (the parks close the gates and entrance fee booths the Sunday after October 10th, and reopen them the Friday before, May 10th). They take the car and drive to "see the colors," then after a good round of road trips, they return home, until next year when they'll do it all again next fall.

As a result, in the national park, there's a lot of activity, shouting, and sometimes even yelling, not to mention those who wander around with the music blasting through their speakers, or who bring their dogs, who are normally required to be on leashes, but don't.

Irritated by all the commotion, the backpackers preferred to stay put, and we see them chatting over their pizzas. After all, they've already taken quite a few photos of the fall colors and can let this weekend go by easily.

While eating, they tease Shannen who, since she is in love with Kyle, tends to daydream and fall a little behind on post-processing their photos and writing the Travel Journal pages about them. Shannen blushes, as she often does because of her redhair's skin, and promises to catch up lost time during the week.

Seeing the two lovers' discomfort, Nabil made a suggestion:
"What if we all went for a walk together in the restricted-access area? Eric told us we could go if we wanted."
"Is there a restricted-access area in the park? Why is it?" Shannen asked in surprise.
"These are fragile protected areas. Prohibiting public access prevents impacts on the habitat and reproduction of certain species, both animal and plant," Oona explained. "In other words, if we go there, we'll have to be discreet and watch our step."

It was on their way back, late in the afternoon, as they were returning to the chalet, that Tina timidly announced the news.
"I received a job offer from the Jardin des Plantes in Montpellier. They want to launch introductory macrophotography walks for the general public, and entrust me with the organization."
"Well! This is a great opportunity for you: both an interesting job and a return to your country where you won't have to freeze your butt off this winter!" says Oona.
Aslan reacts immediately.
"You're not going to break your contracts with Ariane and Éric, are you?"
"I don't know. I received this offer this morning and I haven't really taken the time to think about it," replies Tina.

Back at the cabin, they settled around Shannen's computer to watch the Superman movie while eating sandwiches, and no one mentioned the job offer again.

On Monday, a cloud front chased away the sun, promising a drastic drop in temperatures for the end of the day. Most of the campers and tourists quickly packed up on Sunday, and the national park was almost back to normal.

Against all odds, since they hadn't gone on any photo outings together for months, when Tina had decided to buy an electric bike, Aslan offered to take her for a tour in the park. She immediately accepted, confiding that she had missed their photo outings together in the spring.
Aslan steered his motorcycle toward the immense Cherry Pond. Neither of them wore helmets, as they planned to ride very slowly inside the national park and preferred to feel the wind on their faces.
When they reached the end of the Cherry Pond, Tina got off the motorcycle to photograph a few last aquatic insects that had survived the first cold weather.
Aslan called out to her.
"I'd like to tell you something."
"Yes? What is it?"
"I'd love it if you stayed here."
Tina just looked at him for a long time. Then she climbs back onto the motorcycle behind Aslan, without saying a word.
However, her arms are tighter than before around the young man's waist.
They leave the park and ride to the river. Aslan stops the motorcycle and turns off the engine. He places it on its kickstand, and they sit silently for a long time. Then, since Tina hasn't let go of his waist, he places his hand on hers.
"Have you made up your mind about this job in Montpellier?"

"I thought about it a lot last night and this morning, actually. I wasn't sure what to think. As Oona says, it's a great career opportunity, with potential advancement in many fields. But learning to people how taking pictures, isn't what I dreamed of doing either; I want to take my own pictures."

Aslan lets her talk, he listens. He waits.
"And then, since earlier, while we were driving, I've been thinking about it even more..."
"And?"
"I think I'll stay."
"You think so?"
"No, I'm sure of it."
"Why?"
"Because you asked me to."
Their foreheads pressed against each other for a few moments, and Tina held him even tighter.
They both smiled and said nothing more. It was pointless.

Aslan gently restarted the motorcycle, and their hearts beating in unison, they headed back to the chalet.

Have a nice day :-)
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