Le journal de Rose - Joséphine passe à l'attaque !
Extrait du journal de Rose - Vendredi 26 mars 1870
[... Mon tendre amour, ton ami John est passé voir Jane comme il l'avait promis, mais il a préféré être prudent et a annoncé qu'elle va devoir passer quelques jours de plus que prévus à se reposer au chaud dans son lit. Il est clair que vous avez faits vos études de médecine ensemble car, pas plus que toi, il ne veut entendre parler de saignée, de vésicatoire et autres soins que tu disais considérer d'un temps révolu. Donc, il a renouvelé son conseil de bouillons de légumes, mais il a ajouté des infusions de quassia et un petit fond de verre de brandy additionné d'une pincée de quinquina avant le repas du soir pour la tonifier. Toutefois, il nous a bien dit de ne surtout pas nous inquiéter, Jane est jeune et elle va très vite récupérer.
Comme elle l'avait dit, Joséphine avait mis le médaillon autour de son cou, et comme c'est elle qui est allé lui ouvrir la porte lorsqu'il est venu, je peux te dire que John l'a très vite remarqué. Elle m'a dit qu'il avait rougi, et l'avait regardé droit dans les yeux en lui souriant avec "toute l'a gentillesse du monde" a-t-elle précisé. Mais comme il était pressé parce qu'une fermière des environs était en train d'accoucher, il est reparti sans rien lui dire de plus que lui offrir un sourire plein de tendresse. Alors, Joséphine nous a déclaré, à Adrienne et à moi, qu'à la prochaine visite de John, elle allait passer à l'assaut de la forteresse de sa timidité !
Cela ne te rappelle-t-il pas un peu nos premiers émois amoureux, lorsque ni toi ni moi n'osions aller plus loin que de nos échanges de longs regards plein de tendresse ?
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Extrait du journal de Rose - Lundi 1er mars 1870
[... Joséphine n'a pas eu le temps de mettre son plan à exécution car John est passé très rapidement voir Jane ce matin, en courant comme tu courais toi aussi, toujours entre deux visites chez des malades de la région. Adrienne était seule à la maison avec Jane ; il lui a confié qu'il était très satisfait de l'état de santé de la petite : elle n'avait plus de fièvre et très peu de toux, mais il a dit qu'il préférait attendre encore pour la laisser sortir parce qu'il veut que ses poumons soient bien remis en état. Jane est impatiente, mais il lui a dit d'être sage, et pour la consoler, il lui a donné 2 sucres d'orge et un sachet de figues et d'abricots séchés en lui promettant de revenir samedi après-midi, pour confirmer si elle pouvait enfin aller à l'école. Lorsqu'il a été parti, Adrienne a du supporter d'entendre louer les mérites du Docteur Evans "qui est si gentil" pendant tout le reste de la journée ! Je pense que ton ami John devrait se marier au plus vite et avoir beaucoup d'enfants car il a visiblement le don de les charmer !
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Extrait du journal de Rose - Samedi 6 mars 1870
Comme prévu, John est passé cet après-midi ; après avoir examiné Jane, et confirmé que tout allait bien, il l'a gentiment sermonnée sur les petites filles qui viennent de pays tempérés et qui veulent jouer dehors comme les petites canadiennes habituées au froid. Jane lui a répondu qu'elle avait bien compris la leçon et que désormais, elle s'habillerait beaucoup plus chaudement que son amie Catja quand elle irait jouer dehors avec elle.
Adrienne avait préparé une bonne tasse de café pour John, car elle comme lui, et aussi comme Joséphine, partagent une passion pour ce breuvage, mais n'aiment pas beaucoup le thé. Comme toujours, il était pressé, et il a bu son café debout, ne prenant pas le temps de s'asseoir quelques minutes.
Jane exultait : elle allait enfin pouvoir aller à l'école avec son amie Catja qui l'y attend avec impatience. Il faut avouer que Catja est bien seule pour faire face à Mellie et Léna McGill qui passent leur temps à se moquer de l'accent Danois des ses parents ; je pense qu'elle se sentira plus forte avec Jane à ses côtés.
- C'est vraiment vrai, hein, Docteur Evans, je vais vraiment pouvoir aller à l'école lundi ? lui a-t-elle encore demandé.
- Je te le promets, mais avec un tel enthousiasme pour aller à l'école, tu as intérêt à rapporter des bonnes notes, lui a répondu John en souriant.
Tout à coup, nous avons vu arriver Joséphine, avec son manteau ouvert sur le médaillon bien visible autour de son cou, portant un paquet de livres dans les mains, s'exclamant d'un ton léger :
- Rose, Adrienne : je dois aller rapporter des livres à Madame Lemire, je reviendrai à temps pour le souper. Oh, bonjour Docteur Evans.... ! ajouta-t-elle en prenant un air surpris.
Adrienne et moi avions beaucoup de mal à ne pas rire : Joséphine avait osé mettre son plan d'attaque à exécution et nous savions pertinemment qu'elle avait guetté l'arrivée de John tout l'après-midi !!
John est resté silencieux quelques instants (pendant que nous nous mordions les joues pour ne pas sourire !), puis rougissant, il a proposé :
- Mademoiselle Beauvilliers, puis-je me permettre de vous proposer de vous accompagner en buggy jusque chez Madame Lemire ? je passe devant chez elle en allant rendre visite à mon prochain malade.
- Avec plaisir Docteur Evans, lui a répondu Joséphine sans aucune hésitation !
- Appelez-moi John, comme le fait votre amie Rose, a-t-il ajouté.
- Bien volontiers, John, mais à conditions que vous m'appeliez Joséphine, a-t-elle aussitôt répliqué avec un joli sourire charmeur.
J'ai croisé les doigts pour eux ; je suis sure qu'ils seraient si bien ensemble ces deux là !
Ce soir, Joséphine est encore venue me voir pendant que je t'écrivais cette nouvelle page de mon journal, et elle m'a raconté (en rougissant à son tour !), que durant leur court trajet jusqu'au buggy, John lui avait dit en substance ceci :
- Je vous ai envoyé ces cartes car je ne pouvais trouver le courage de m'adresser à vous ; d'autant plus que d'après votre comportement, je ne pouvais pas me flatter que vous m'ayez remarqué d'aucune façon. Mais, au risque d'encourir votre mécontentement, je me sens obligé d'exprimer, avec toute la déférence que je vous dois, l'envie que je ressens de mieux vous connaître, et de vous avouer que vous m'avez inspiré des sentiments bien plus chaleureux que ceux qu'une simple connaissance amicale pourrait justifier.
Joséphine lui a simplement répondu en s'arrêtant, en le regardant bien en face, les yeux dans les yeux, et en posant la main sur son bras ; main qu'il a aussitôt prise dans les siennes, avec, a-t-elle dit, un regard qui exprimait cette fois "tout le bonheur du monde".
Je me demande de plus en plus quelle va être la réaction de Madame McGill, elle qui semble avoir si peu de respect pour les gens obligés de travailler pour gagner leur vie. Pourtant, si elle connaissait les origines de Joséphine, elle serait surement bien surprise ; je te les raconterai demain, car il est fort tard et je tombe de sommeil ; je sens qui si je ne vais pas dormir rapidement, je vais finir par faire des pâtés d'encre comme mes élèves de la petite section ! À bientôt mon amour, je m'en vais rêver de toi.
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Bon dimanche :-)
♥♥♥