L'anniversaire et la poupée
22 octobre 1910 - Aujourd'hui, Charlotte a eu quatre ans. Après un repas un peu festif, la famille s'est réunie au salon et grand-mère Adeline a offert à l'enfant le cadeau qu'elle attendait tant : SA poupée rien qu'à elle.
Ça a été le cas pour les quatre ans de Romina ainsi que pour les quatre ans de Sophia : ce jour-là, leur grand-mère leur avait aussi offert leur première belle grande poupée.
Cela fait des semaines que la petite en rêve, et voilà que c'est son tour.
Nous arrivons à l'instant où Adeline donne la boîte à la petite Charlotte dont les yeux rayonnent de joie.
Romina aide gentiment sa petite soeur à ouvrir la boîte, et c'est avec émerveillement que la petite découvre enfin la poupée tant espérée.
Thomas, qui joue sur le tapis avec son jouet préféré, tourne la tête pour voir à quoi ressemble cette poupée ; mais peu intéressé par les jouets de fille, il retourne vite à son canon !
- Merci de tout mon coeur grand-maman. Elle est tellement belle ; je te promets que j'en prendrais grand soin.
- Te souviens-tu du jour où tu as eu ta poupée, Romina ? demande Adeline à sa plus grande petite-fille.
- Mais oui, grand-mère ; c'est vous qui m'aviez aidée pour ouvrir la boîte. Je m'en souviens, pourtant il y a très longtemps de cela.
- Longtemps ? Mais cela ne fait que onze ans, s'exclame sa grand-mère en riant.
- Je le sais bien, puisque j'ai 15 ans ; c'est pour ça que ça fait très longtemps.
Adeline éclate de rire.
- Ma chérie, tu verras quand tu auras mon âge que "il y a onze ans", ça parait presque être hier.
- Tu viens jouer, on va présenter nos poupées l'une à l'autre, comme des vraies dames qui se rencontrent, propose Sophia.
- Oui, mais attends un peu, je veux d'abord que grand-mère m'aide à lui trouver un nom.
- Grand-mère, comment pourrais-je l'appeler ?
- Je te propose de l'appeler Marguerite, c'était le nom de ma poupée quand j'étais petite. Ça te plait ?
- Oui ! Voilà, elle s'appelle Marguerite maintenant.
- C'est vrai que c'est un joli nom, confirme Clara (leur mère). Et comme la poupée de ta soeur s'appelle Camille, vous pourrez jouer aux Petites Filles Modèles, comme dans le livre de la Comtesse de Ségur que je vous lis le soir..
- Mère, je trouve que vous gâtez horriblement les enfants ; ça n'est pas bon pour eux, déclare alors William de son habituel ton austère.
- Mon cher fils, tu découvriras un jour qu'avec le temps, on n'oublie pas, et qu'il ne nous reste que des souvenirs, qu'ils soient bons ou mauvais. Alors je préfère que mes petits-enfants en aient des bons.
William n'a pas répliqué car il sait que sa mère et lui sont rarement du même avis au sujet des choses qu'il juge futiles. Il a donc continué à fumer sa pipe tranquillement, replongeant dans ses sérieuses pensées au sujet de la gestion de la banque familiale.
L'après-midi s'est passé en douceur,. À l'heure du thé, les petites filles ont sagement assises leurs poupées près d'elles, sous le regard attendri d'Adeline qui se souvenait avoir fait la même chose le jour de ses quatre ans..... c'était il y a.... oh, zut, elle n'a même pas envie de calculer ! Seul aujourd'hui compte, se dit-elle.
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Bien sûr, les grands de ce monde ont toujours fêté des anniversaires, que ça soit les pharaons ou encore les rois et empereurs. Mais dans le peuple, que ça soit en Amérique ou en Europe occidentale, fêter les anniversaires est une coutume assez récente qui date seulement de la révolution industrielle du 19e siècle (la célèbre chanson "Joyeux Anniversaire" a été écrite en 1893).
Avant cela, les anniversaires allaient et venaient sans grande fanfare, un repas un peu festif, un gâteau, et un petit cadeau, qui pouvait être un mouchoir ou des pantoufles brodés, ou bien une nouvelle robe du dimanche pour une fillette ; toutefois, souvent, les gens recevaient en cadeau des objets qu'ils avaient un jour ou l'autre mentionné comme leur plaisant, et que leur propriétaire avait plaisir à offrir, comme par exemple une pendule, un plat décoré, un livre ou une statuette.
Toutefois, durant le 19e siècle, avec la révolution industrielle, de plus en plus de gens suivaient les horaires des usines, des tramways et des trains, ils ont alors commencé à être plus sensibles au passage du temps, et ils devenaient également plus conscients de la façon dont il s’écoulait dans leur propre vie. Une nouvelle attention fut portée à l’âge dans de nombreuses institutions, par exemple, c'est à cette époque que les écoles ont commencé à utiliser l'âge pour répartir les élèves en classes, et que les professionnels de la santé ont commencé à l'utiliser pour évaluer la santé et le développement des individus.
Ce n’est sûrement pas une coïncidence si c’est à la même époque que les gens ont commencé à célébrer leur anniversaire.
Et à offrir des poupées aux petites filles à cette occasion !
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La poupée de la petite Charlotte est une poupée de porcelaine de 15 cm de chez American Girl (la poupée de Samantha Parkington). J'ai fabriqué la boite de la poupée en m'inspirant de modèles de l'époque vus sur le net, comme par exemple celui-ci :
Il y avait une éternité que je n'avais pas fait de cartonnage et j'ai un peu ronchonné (les techniques se perdent quand on ne pratique pas !).
L'autre poupée, celle de Sophia, est une poupée de porcelaine de 17 cm que j'ai trouvée dans une vente de garage voici quelques années ; ses cheveux étaient une affreuse paille jaune filasse, j'ai réussi à décoller sa perruque et à la remplacer par une autre prélevée sur une minipoupée folklorique trouvée dans une friperie, puis je l'ai maquillée et je lui ai cousu une tenue pour lui donner l'aspect d'une poupée ancienne et m'inspirant d'images du net.
Bonne journée :-)
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