La médecine traditionnelle amérindienne - 1 : le sac medecine ou medicine bag
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Au 17e siècle, Jacques Cartier et Samuel de Champlain mentionnaient dans leurs écrits "la bonne santé apparente et l'absence de difformités congénitales chez les sauvages de la Nouvelle France".
Et il est vrai que maux typiques de l’époque en Europe étaient inexistants ici. Ça n’a pas duré …
Les amérindiens n’étant pas immunisés contre les nouvelles maladies importées d’Europe, ils se mirent à tomber comme des mouches ; par exemple, un simple rhume de cerveau les affectait tellement que certains en mouraient.
Puis au 17e siècle, la syphilis et la petite vérole se répandit parmi eux ; ce furent les maladies les plus mortelles chez les indiens.
Finalement, la tuberculose vint s’ajouter et fit encore de terribles ravages dans les réserves… jusqu’au 20e siècle inclus. Du reste, actuellement, alors que cette maladie est à peu près inexistante chez les non-autochtones, les Inuit et les amérindiens en souffrent encore :-(
Comme je vous l’avais expliqué ICI en vous présentant Parle avec le vent, les midew- wi-ninis (ou midew) associaient souvent les rites cérémoniels du Mide, c'est-à-dire les pratiques de guérison spirituelle, avec l'emploi des herbes médicinales du Mashkiki, c'est-à-dire les pratiques de guérison physique (bien que dans certaines autres nations amérindiennes ou même certaines tribus à l’intérieur des nations, les midew-wi-ninis ne pratiquaient que la guérison spirituelle par les rites, totalement à part des mashkiki-wi-ninis qui ne pratiquaient de leur côté que la guérison physique par les plantes).
Pendant ce temps, les médecins européens, ici ou en France, pratiquaient la saignée à tout va sur des malades, que les prêtres les arrosaient d’eau bénite en chantant psaumes et prières… les deux traitant de sorcières les guérisseuses de villages qui utilisaient des herbes médicinales !
Quant aux missionnaires, qui étaient chargé d’éduquer les "sauvages", ils écrivaient :
- les médecins sauvages sont des sorciers, jongleurs, menteurs, tricheurs, et toutes leurs scènes consistent en la connaissance de quelques simples laxatifs ou astringents en application chaude ou froide, le reste n'est que chance, fumisteries et impostures (père jésuite Pierre Biard).
- les sauvages font des incantations païennes en clamant que les herbes médicales sont bonnes et les missionnaires des ignorants (père jésuite Julien Binneteau).
- quelquefois leur chaman ordonne au malade de quitter le village et de camper en forêt où il peut aller pratiquer ses diableries sur lui sans que personne ne le voie (frère jésuite Gabriel Sagard Théodat).
En lisant ce dernier, je souris, parce que j’en déduis que les Indiens avaient découvert la quarantaine bien avant que les blancs ne comprennent son importance pour empêcher une épidémie !
La médecine traditionnelle des amérindiens était pourtant adaptée aux différents environnements physiques et climatiques dans lesquels ils vivaient, et suffisamment efficace pour en faire des gens en bonne santé, comme le mentionnaient Cartier et Champlain.
Mais soyons réalistes : les autochtones ne vénéraient pas le bon dieu des chrétiens, c’était donc des sauvages incapables d'avoir assez d'intelligence pour avoir efficacement recours aux remèdes bénéfiques pour des malades !
On se rappellera d’ailleurs que, au 17e siècle, l'Église catholique se demandait encore si les dits "sauvages" avaient une âme et pouvaient être considérés comme des véritables humains...
Bref…. passons !
Donc, notre midew, Parle avec le vent, accompagnée de sa fille Lumière du matin, et de sa petite-fille Pluie de printemps, se rend chez quelqu’un qui l’a fait appeler.
Et pas pour n’importe quoi : pour une naissance :-)
Lorsqu'elles arrivent à destination et descendent de cheval, on voit que Parle avec le vent porte un gros sac à sa ceinture. Il s’agit d’un medicine bag, c'est-à-dire en français : un sac médecine.
Là encore, je vais ouvrir une parenthèse. Encore ! va-t-elle donc en finir un jour, allez-vous dire !
C'est que le mot medicine est un concept, il représente quelque chose de mystérieux, qui dépasse le pouvoir humain ; par exemple, le whisky était appelé eau de médecine pour l'effet qu'il produit et qui fait faire aux hommes des choses mystérieuses qu'ils ne feraient jamais s'ils n'en consommaient pas.
En anglais, ça va, puisqu’on dit un Medicine Man, un Homme Médecine… mais en français le concept se perd, puisqu’on aurait tendance à penser à un médecin (genre médecin des plantes, médecin de l'esprit)… Mais non, ça n’est pas ça du tout ; par exemple, tous les grands amérindiens ont été considérés comme des medicine men (Sitting Bull, Joseph, Pontiac, Tecumseh, Geronimo, Cochise, etc) mais aucun de ceux-ci ne fut jamais médecin ! c’est juste que leurs pouvoirs étaient "mystérieusement" grands et leurs caractères "mystérieusement" exceptionnels.
Donc, Parle avec le Vent a son medicine bag qu’elle emporte toujours avec elle lorsqu’elle est appelée pour quelque chose.
Qu’y a-t-il dedans ?
Il y avait bien sur bien sur des herbes, ainsi que des instruments pour faire les décoctions ou préparer des onguents, des vessies animales séchées pour faire des lavements, et finalement un couteau d'obsidienne pour les incisions... mais aussi des morceaux de carapace de tortues, de corne de bison ou d'écorce d'arbre, un sifflet ou une flute, un masque, des plumes, ailes, queues et pattes d’oiseaux, des griffes d'animaux, crocs de serpents, etc, chaque midew ayant ses propres reliques chargées pour lui, ou elle, d’une force spirituelle pour diverses raisons qui lui sont propres.
Il ne faut pas se moquer de tout ce qui pouvait remplir ces sacs medecine : les reliques ont toujours fait partie des rituels de guérison, même chez les chrétiens : les ossements de saints, la couronne d’épine, le saint suaire, ne sont-ils pas des reliques auxquelles on demande de l’aide ? Hippocrate lui-même y avait recours dans la Grèce antique, et pourtant on connaît son sens aigu de la science avant tout.
Il faut donc conclure qu'on ne doit jamais rire du fétichisme des autres cultures, puisqu'il est facile de le retrouver un peu partout dans notre propre histoire.
La prochaine fois, je vous parlerai des rites et soins qui entouraient le grand mystère de la naissance, que Parle avec le vent va pratiquer, avec l'aide de sa fille et de sa petite fille…
Bon lundi :-)
♥♥♥