Les études et le pique-nique
En cet après-midi de fin août 1910, Romina et Samuel prenaient une collation dans le salon en compagnie de leur mère et de leur cousine Samantha (les petites et le bébé prennent leur goûter dans la nurserie).
Ils discutaient de la prochaine rentrée qui aura lieu le 4 septembre, car Samantha, qui suit avec passion les travaux de Marie Curie, vient de leur annoncer qu'après son diplôme de fin d'études, elle a décidé de continuer pour obtenir un doctorat ès sciences naturelles.
Sa tante la soutient, mais Samuel affirme qu'elle changera d'avis d'ici là parce que ce sont des études difficiles et peu abordables pour une fille.
Samantha objecte avec ardeur :
- Allons donc, l'étude des sciences n'est pas plus difficile pour une femme que pour un homme, Du reste, les femmes ont toujours travaillé dans le domaine de la science depuis l'antiquité. Par exemple, en Grèce Antique, de nombreuses femmes travaillaient au côté de Pythagore sur l’étude de l’univers physique mais tous leurs travaux étaient publiés sous le nom de Pythagore. Et pourtant, dans ses écrits on voit bien que la contribution des femmes dans les recherches et les travaux y est considérée avec beaucoup d'importance. Par exemple, 200 ans avant notre ère, Marie La Juive, une des fondatrices de l’alchimie, a créé plusieurs types d’alambics et a inventé le bain-marie, qui porte son nom.
Afin de changer de sujet avant que Samuel ne réplique et que la discussion s'échauffe, tante Clara lance une proposition :
- Que penseriez-vous si nous organisions un pique-nique avant la rentrée pour fêter la fin de vos vacances ? Vous pourriez inviter vos amis si vous le souhaitez. Emma, vous nous accompagneriez pour m'aider à surveiller les petits, n'est-ce pas ?
Emma, la gouvernante, qui apportait un pot de limonade avant de retourner dans la nurserie, répond qu'elle le ferait avec plaisir et que les petits seront enchantés à l'idée de ce pique-nique.
- Il n'y a pas que les petits qui seront contents, nous aussi. Tu pourrais peut-être inviter ton ami Sanson, suggère Romina à son frère d'un air dégagé, en espérant que Samuel ne remarquerait pas l'intérêt qu'elle porte à son camarade.
- Eh bien, c'est décidé, dit joyeusement tante Clara. Nous allons maintenant choisir le jour et il ne restera qu'à envoyer les invitations. Si mon époux n'était pas si réfractaire au modernisme, nous installerions le téléphone et nous aurions juste à nous en servir plutôt que les écrire et les envoyer à l'ancienne manière.
- Ma tante, je suis certaine que vous allez tous finir par arriver à l'y persuader, lui affirme Samantha.
Vous aurez compris que si Clara est, comme Samantha, une adepte du modernisme, c'est loin d'être le cas de son époux, un homme austère qui s'accroche aux vieilles habitudes ; par exemple, il ne veut pas de téléphone ni de voiture à moteur (il avait quand même fait installer l'électricité dans toute la maison). D'ailleurs, elle se demande comment il va prendre le souhait de Samantha de faire des études scientifiques si elle persiste dans cette voie, ça ne lui semblera pas "traditionnel pour une femme". Mais tante Frieda n'aime pas se casser la tête d'avance pour rien, alors elle se dit simplement qu'il y a encore une année à passer avant le diplôme de fin d'études et que sa nièce Samantha changera peut-être d'avis d'ici là.
Difficile d'être une fille aux idées modernes dans un monde rétrograde un peu macho...
Bonne journée :-)