Le journal de Rose - Rose et les parents d'élèves
Extrait du journal de Rose - Mardi 19 janvier 1870
[... Mon cher amour, voici une nouvelle page que je remplis ce soir pour te raconter ma journée, comme nous le faisions chaque jour durant le souper lorsque tu étais encore là près de moi ; tout au moins quand un malade n'avait pas besoin de toi juste au moment où nous allions passer à table !
Il y a des jours où le métier de maîtresse d'école me découragerait presque ; je dis bien "presque", parce que j'aime tellement apprendre des choses nouvelles à mes élèves que je ne regrette rien. Et je suis même très heureuse de voir que ma jeune sœur va choisir elle aussi ce merveilleux métier.
Bien sur, il y a parfois des problèmes avec certains élèves, comme par exemple les grands garçons qui sèment la zizanie dans la classe parce qu'ils n'ont pas envie de rester là et préféreraient aller pêcher ou guider la charrue dans les champs de leurs père, ou les grandes filles qui ont atteint un âge où elles préféreraient aller se promener avec ces mêmes garçons plutôt que découvrir la géographie de notre pays ; mais cela fait partie du métier et ça n'est pas grave.
Toutefois, certains jours sont plus difficiles que d'autres, et ce fut le cas aujourd'hui : ce sont les jours où des parents mécontents viennent se plaindre. La plupart du temps, ce sont des fermiers qui voudraient que je renvoie leur fils au champ ou leur fille à la maison pour aider, mais il y a aussi la femme du maire.
Durant la pause du déjeuner, j'ai vu arriver Madame McGill, qui est entrée dans la classe d'un pas énergique en commençant à parler d'une voix forte à peine la porte franchie. Elle venait encore se plaindre du fait que Melly avait toujours de mauvaises notes, et que sa cadette Lena avait été mise au coin 2 fois durant hier.
Que veux tu que je réponde à ça ? Je lui ai déjà expliqué que c'était à elle de vérifier que Melly apprenait bien ses leçons lorsqu'elle rentrait à la maison, et que je ne mets pas une mauvaise note à sa fille par plaisir, mais uniquement parce qu'elle ne connaît pas un seul mot de ce que j'avais demandé d'apprendre. Quant à Lena, elle a cassé volontairement l'ardoise de la petit Catja Andersen le matin, et elle a été insolente quand je lui ai demandé d'arrêter de faire du bruit avec ses pieds plusieurs fois dans l'après-midi ; je ne pouvais pas faire autre chose que la punir et l'envoyer au coin.
Je ne sais pas quoi faire avec ces deux fillettes, mal élevées et arrogantes, qui jettent à la figure des autres que leur père est le Maire du village et qu'il peut faire ce qu'il veut si il le souhaite ; alors je me contente d'arrondir les angles entre les autres élèves et elles deux. Pourtant, tu connais Monsieur McGill, c'est homme bon et juste, et sans prétentions, malgré son poste de Maire et son entreprise florissante ; son comportement ne peut en rien inciter ses filles à être aussi orgueilleuses. J'ai bien peur par contre que leur mère les y encourage en leur faisant remarquer leur différence de position sociale ; elle m'a déjà reproché d'être trop tolérante et attentive avec les enfants des fermiers qui, selon elle, n'ont pas besoin que je m'acharne à leur apprendre quelque chose puisqu'ils n'en auront pas besoin pour être fermiers à leur tour ; il semble qu'en disant cela elle oublie que tu es né dans une ferme et que cela ne t'a pas empêché de devenir médecin. Même si je sais que c'est rare et difficile, je suis persuadée que un, ou même peut être deux, des enfants de fermiers qui sont dans ma classe pourraient obtenir une bourse l'an prochain et faire des études comme tu l'avais réussis toi-même ; mais c'est un argument auquel Madame McGill reste totalement insensible (et leurs parents aussi, j'en ai bien peur).
Elle m'a aussi rappelé qu'elle voulait qu'on appelle Melly de son nom de baptême Melissa, et Lena de son nom de baptême Helena, car 'elle n'aime pas les diminutifs, mais cela sera bien difficile puisque les deux filles aiment être appelées ainsi et que leur propre père les appelle ainsi. Au moins sur ce point là, je vais essayer de la satisfaire.
Toutefois, pour ce qui est des meilleures notes et de l'absence de punition, je ne vois pas ce que je peux faire. J'ai renouvelé mes recommandations de surveillance des leçons à la maison, mais je doute que mon conseil soit plus suivi d'effet que la fois précédente.
Par chance, cette fois-ci, elle ne m'a pas menacée de me faire remplacer ; il est vrai que j'ai rencontré Monsieur McGill il y a quelques temps et qu'il a été très rassurant en m'affirmant que les parents des élèves étaient tous très satisfaits de mon travail de maîtresse d'école et que les élèves m'aimaient beaucoup. Il m'a aussi rappelé qu'il était ton ami et que tu lui manquais aussi. J'espère ton retour si fort que je Dieu lui-même doit m'entendre de là-haut...
....]
Retour de nos jours : l'an dernier, lorsque Marianne a découvert les 3 volumes du journal intime de Rose dans la vieille malle du grenier, elle également trouvé une boite métallique qui contenait plein de vieilles photos. En voici une de la famille McGill, datée de 1871.
Je suis certaine que les profs ou maitresses, ou même parents ou ancien parent d'élève(s) qui passeront par ici comprendront tout à fait le malaise de Rose face aux exigences de Madame McGill !
Ci-dessus, Madame McGill et ses deux filles sont de la marque American Girl, mais Monsieur McGill est de la marque My Life As (marque des hypermarchés Walmart).
Bon vendredi :-)
♥♥♥