(english below)

Chapitre IV

En se réveillant le lendemain, Alicia doutait qu'elle ait vraiment bien vu des lutins durant sa promenade. Voulant en avoir le coeur net, depuis deux jours, elle retourne dans le grand boisé et essaie de retrouver l'endroit où elle les a aperçus.

Mais elle ne voit personne.

Alicia a bon caractère : elle ne reste jamais longtemps déçue. Alors aujourd'hui, elle a arrêté de chercher et s'est juste amusée à aller de droite et de gauche, sautant parfois sur le pied droit, puis sur le pied gauche. 

- Je me demande s'il existe un pays où les gens ont une seule jambe, ou un autre où ils en ont trois ! se demande-t-elle (toujours à haute voix, car on se souvient qu'Alicia parle toujours ainsi quand elle est seule). Ça ne doit pas être plus pratique dans un cas comme dans l'autre, et je suis bien contente de n'en avoir que deux, conclut-elle.

Elle a donc continué sur ses deux jambes, observant les écureuils qui se sauvent de branche en branche et les lapins qui traversent le chemin, caressant une feuille veloutée ou admirant une jolie toile d'araignée éclairée par un rayon de soleil. Il faut dire que ce chemin est bien joli quand l'astre solaire l'illumine.

Et tout à coup elle entend à nouveau le bruit : poum... poum... poum... 

Le sourire aux lèvres, elle se dirige doucement dans la direction du son et lorsqu'il devient très fort, elle se glisse derrière un gros arbre plus large qu'elle.

C'est la cachette parfaite pour observer le petit lutin qui plante courageusement sa hache dans un énorme vieux tronc d'arbre. 

Alicia est bouche bée : l'arbre est si gros et le lutin est si petit. Mais il frappe, et frappe encore, et encore, et l'encoche s'agrandit régulièrement.

Soudainement, deux filles, s'approchent. portant chacune un panier plein de champignons. 

- Ça alors ! Il y a aussi des filles lutins ! pensa Alicia.

Les deux lutines s'approchent du garçon à la hache et l'interpellent d'une petite voix flutée.

- Crapouille, arrête ton travail, c'est l'heure de rentrer à la maison, dit la première.

- Dépêche-toi, sinon Grandma va nous attendre pour le repas, rajoute la seconde.

Le lutin descend du gros tronc, non sans difficulté parce que le tronc est très haut et le lutin doit sauter. Avec son bon coeur, Alicia a un peu peur qu'il se blesse et elle fait un mouvement involontaire derrière son arbre, faisant bruisser le tissu de son tablier blanc.

- Je crois que j'ai entendu un bruit par là, dit la lutine habillée de jaune.

- Moi aussi je l'ai entendu, répond celle habillée de rose.

- Oh, vous, les filles, vous avez toujours de l'imagination à revendre, leur répond le lutin qu'elles ont appelé Crapouille.

Ils s'éloignent ensemble tous les trois. 

Alicia les suit sans bruit pendant quelques minutes, pour savoir dans quelle direction se trouve la maison dont parlait la lutine jaune.

La forêt est grande pour la petite Alicia. La voyez-vous ?

C'était l'heure où le soleil baisse très vite à l'horizon, comme il le fait toujours à cette époque sous nos contrées, et elle a rebroussé chemin, avançant allègrement sur le chemin qui s'obscurcissait rapidement.

- Les lutins existent vraiment ! les lutins existent vraiment ! chantonnait-elle joyeusement sur l'air des lampions.

À suivre !

Bonne journée :-)

♥♥♥

** Pour qui ne connait pas l'expression "chanter sur l'air des lampions" : 

L’air des lampions, ce n’est pas vraiment chanter un air, mais scander d’une manière particulière, comme par exemple "On a gagné, on a gagné".

L’expression trouve son origine dans les émeutes qui ont conduit à la seconde révolution, en 1848 en France, alors que les républicains organisaient de grands banquets pour contourner l’interdiction de réunions politiques. Le 22 février 1848, un de ces banquets ne reçoit pas l’autorisation officielle, ce qui déclenche dès le lendemain des manifestations d’étudiants et d’ouvriers. Un coup de feu malencontreux fait se dresser les barricades et l'insurrection qui en résulte le lendemain oblige Louis-Philippe à abdiquer. (L’Éducation sentimentale de Flaubert relate ces événements dans une célèbre scène). La république est alors proclamée. Les républicains montrent leur joie en illuminant leurs fenêtres ; mais, comme il y avait finalement peu de ces éclairages spontanés, les bourgeois étant dérangés par les émeutes, le peuple des rues se mit à défiler en scandant "des lampions... des lampions..." ce qui fit rapidement augmenter le nombre de fenêtres éclairées car les fenêtres qui ne s’éclairent pas sont brisées à coups de cailloux ! Victor Hugo écrivit d'ailleurs à ce propos : "En un clin d'oeil, la ville fut illuminée comme pour une fête" !!

C'est donc de ce cri répétitif de trois syllabes (des-lam-pions) lancé le soir du 23 février 1848 que vient l'expression "sur l'air des lampions". Depuis, il a fini par désigner tous les slogans scandés en séparant les syllabes, quelque en soit leur nombre, comme le "on a gagné", par exemple, ou les slogans politiques dans les manifestations. 

------------

Alicia in dreamland - Chapter IV: there are also elves girls!
When Alicia woke up the next day, she doubted whether she had really seen any elves during her walk. Wanting to find out for sure, for two days she returned to the large wooded area and tried to find the place where she saw them.
But she can't find anyone.
Alicia has a good character: she never stays disappointed for long. So today she stopped searching and just played around going right and left, sometimes jumping on the right foot, then the left foot.
- I wonder if there is a country where people have only one leg, or another where they have three! she asks herself (always out loud, because we remember that Alicia always speaks like this when she is alone). It can't be practical in either case, and I'm very happy to only have only two legs, she concludes.
So, she continued on her two legs, observing the squirrels running from branch to branch and the rabbits crossing the path, stroking a velvety leaf or admiring a pretty spider's web lit by a ray of sunlight. It must be said that this path is very pretty when the sun illuminates it.
And suddenly she hears the noise again: boom... boom... boom...
With a smile on her lips, she walks slowly in the direction of the sound and when it becomes very loud, she slips behind a large tree wider than her.
It's the perfect hiding place to observe the little elf who courageously plants his ax in a huge old tree trunk.
Alicia is speechless: the tree is so big and the elf is so small. But he hits, and hits again, and again, and the notch grows steadily larger.
Suddenly, two girls, each carrying a basket full of mushrooms, approach.
- Wow ! There are also elves girls! Alicia thought.
The two elves girls approach the boy with the ax and call out to him in a small fluted voice.
- Crapouille, stop your work, it's time to go home, said the first.
- Hurry up, otherwise Grandma will wait for us for the meal, adds the second.
The elf comes down from the big trunk, not without difficulty because the trunk is very high and the elf has to jump. With her good heart, Alicia is a little afraid that he will get hurt and she makes an involuntary movement behind her tree, rustling the fabric of her white apron.
- I think I heard a noise over there, said the elf dressed in yellow.
- I heard it too, replies the one dressed in pink.
- Oh, you girls always have imagination to spare, replies the elf they called Crapouille.
The three of them walk away together.
Alicia follows them silently for a few minutes, to find out in which direction the house the yellow elf was talking about is located.
The forest is big for little Alicia. Do you see her on the photo?
It was the time when the sun sets very quickly on the horizon, as it always does in our northern countries, and she turned back, moving quickly on the path which was quickly darkening.
- Elves really exist! elves really exist! she crooned happily.
To be continued !