Moana veut repartir
Une nouvelle élève est arrivée à l'école aujourd'hui. Elle s'appelle Moana. Elle vient d'une île lointaine où il ne neige jamais. Tout ce qu'elle avait vu de la neige, c'était sur le sapin que sa maman décorait dans le salon tous les ans pour les fêtes, sur les photos que leur envoyait souvent tante Calixte qui vit au Canada, et dans certains dessins animés. Ça lui semblait très joli, tout doux comme le coton dont se servait sa mère pour lui nettoyer les bobos quand elle se blesse aux genoux ou aux coudes en tombant quand elle court trop vite dans le jardin. Et puis, comme il y de la (fausse) neige sur le sapin, ça la faisait aussi penser aux cadeaux, alors elle se disait que la vraie neige, c'était sûrement formidable.
Aussi, lorsque Dorise, sa maman, lui a annoncé un matin de la semaine dernière qu'elle avait fait deux valises pour elles deux et qu'elles allaient prendre l'avion le soir-même pour le Canada où elles allaient retrouver tante Calixte, et où elle verrait de la vraie neige sur des vrais sapins, elle n'avait pas rechigné. Surtout que sa mère avait dit que son père ne venait pas avec elles ; elle était contente parce que son père n'était pas gentil avec elle, et qu'il était même souvent méchant avec sa maman. Ça l'ennuyait un peu de quitter sa grand-mère qui la gardait tous les jours après l'école en attendant que Dorise finisse son travail, mais l'envie de voir la neige lui plaisait.
Elles sont arrivées à Montréal où les attendait tante Calixte qui les a emmenées dans sa voiture jusque chez elle, dans la maison où elle a un cabinet vétérinaire. Sa maman et elle étaient fatiguées, et elles sont allées se coucher sans que Moana ait eu le temps de demander pourquoi elle n'avait pas vu de neige et pourquoi il ne faisait même pas très froid.
Le lendemain, tante Calixte lui a expliqué que c'était à cause des changements climatiques, qu'il y avait de moins en moins de neige, et que ça faisait plusieurs semaines qu'il n'y en avait presque plus, mais que Moana ne devait pas s'inquiéter, il allait sûrement en tomber encore un peu d'ici à ce que le printemps soit vraiment arrivé au Canada.
Quelques jours ont passé, et Moana s'ennuyait de sa grand-mère et de son île. Heureusement, il y avait les animaux du cabinet vétérinaire de tante Calixte, que la fillette aimait beaucoup aller voir, et aussi un chien qu'elle faisait courir dans le jardin. Mais les journées étaient longues et un peu tristes, parce que rien n'était comme avant, tout lui semblait si différent, le paysage, les arbres, la maison, la cuisine, les vêtements, et même la bizarre façon de parler des quelques personnes qu'elle avait rencontrées et qu'elle n'avait pas comprises.
Elle était aussi embêtée parce que sa mère avait souvent les yeux rouges, même si elle essayait de le cacher, et la fillette ne comprenait pas pourquoi. Est-ce que sa maman non plus n'aimait trop pas être ici, se demandait-elle.
Et puis, pour sa plus grande joie, il s'est mis à neiger. Et à venter fort disait tante Calixte, mais ça n'a pas inquiété Moana parce qu'elle trouvait que c'était du tout petit vent par rapport aux cyclones qui soufflaient tous les ans sur son île. Moana restait des heures derrière la fenêtre à regarder tomber les flocons qui semblaient jouer dans le vent.
Une autre chose est arrivée : elle était acceptée à l'école, elle allait commencer vendredi matin. Elle a bien essayé de dire à sa mère qu'elle ne se sentait pas prête à y aller, mais rien n'y a fait.
Alors ce matin, Moana est allée à l'école, munie d'un cache-oreilles, d'une écharpe et de gants. La maîtresse l'a présentée à la classe et les élèves l'ont saluée dans un joyeux brouhaha, mais comme elle est très timide, elle leur a juste répondu un tout petit peu avec un petit signe de la main.
À la récréation, les enfants sont sortis s'amuser dans la neige, et ils ont commencé à se lancer des boules en riant. Moana ne s'y attendait pas, et lorsqu'elle en a reçu une en plein sur elle et que ça a lui a coupé le souffle, elle s'est mise à pleurer.
- Eh... il n'y a pas de quoi pleurer, c'est une boule de neige a dit Andy.
- Regarde, ce n'est même pas dur : la neige de printemps est toute molle, a jouté Sikuaq en lui montrant une boule.
- Et c'est comme ça qu'on s'amuse quand il y a de la neige, a complété Andréa en riant.
- Oh, ben ça alors ! répétait Clément d'un ton stupéfait.
Moana continuait à pleurer doucement.
- Il n'y a pas de quoi faire une histoire, ce n'est qu'un peu de neige, a précisé Maïa, interloquée par la réaction de la nouvelle élève.
- Oh, ben ça alors, c'est la première fois que je vois quelqu'un pleurer quand on fait une bataille de boules de neige, s'est exclamé Qanik.
- Elle est peut-être malade, a suggéré Natalka.
- Elle n'aime peut-être pas jouer, a conclu Benjamin.
Comme Moana ne s'expliquait pas, les enfants l'ont laissée tranquille et ont continué leur bataille de boules de neige jusqu'à la fin de la récréation.
Après la classe, quand Moana est descendue de l'autobus scolaire et qu'elle est arrivée dans la cuisine de tante Calixte, où sa maman lui préparait un goûter, elle s'est précipité vers elle et a déclaré :
- Maman, je veux qu'on rentre chez nous.
- C'est ici, chez nous, maintenant, ma puce.
Moana s'est mise à pleurer :
- Non maman, je ne veux pas qu'on reste ici. La neige, c'est pas si beau que ça et c'est froid, et les enfants de l'école, ils m'en ont jeté sur moi.
- Tu as dû faire une bataille de boules de neige, c'était amusant, non ?
- Non, ce n'était pas amusant du tout. Je veux rentrer chez nous, s'il te plait, maman....
La petite pleure et se blottit contre sa mère.
Dorise est découragée. Ça a été dur de quitter l'île, mais elle n'avait pas le choix. Victime de violences conjugale depuis des années, elle devait se protéger pour pouvoir protéger sa fille.
Suite à une hospitalisation pour les coups dont le père de Moana l'avait rouée il y a trois mois, elle a obtenu une mesure d'éloignement, mais il l'a avertie qu'il refuserait de respecter cette mesure, qu'il allait aller la voir et qu'elle allait le payer cher.
Alors sur les conseils de sa mère, Dorise avait aussitôt téléphoné à sa cousine Calixte, qui était partie faire ses études vétérinaires au Canada et s'y était établie., Puis elle avait rempli deux valises, fait un tour à la banque et retenu deux billets d'avion pour le soir-même.
Elle réfléchit à toute allure. Que dire à Moana ? Elle a une idée.
- Ma chérie, tu sais que lorsque je te fais une promesse, je la tiens toujours. Je n'ai jamais manqué à ma parole, hein ?
- Je sais, répond la fillette en reniflant.
- Alors, écoute-moi bien : je te promets que d'ici à quelques jours, tout ira mieux et que tu seras contente.
- Je ne crois pas !
- Si, parce qu'il parait que toute la neige sera fondue dans trois jours. En qu'en plus, lorsque tu connaitras un peu mieux les enfants de l'école, tu trouveras obligatoirement des amis parmi eux, et que tu seras bien fière de les amener ici pour leur montrer les animaux de tante Calixte, parce qu'ils n'en ont pas autant chez eux. Je te le promets, ça se passera comme ça. Est-ce que tu veux bien me faire confiance, et attendre quelques jours ?
Moana n'a pas répondu, elle a juste hoché la tête. Dorise l'a prise dans ses bras et elles sont allées faire un gros câlin sur le canapé en regardant un dessin animé.
À suivre....
Moana est une nouvelle arrivée à la maison ; c'est une Wichtel originale de Rosemarie Müller d'un moule assez rare : le moule Tears (larmes, en anglais) ; vous pouvez voir pourquoi sur le portrait un peu plus haut.
Bonne journée :-)
♥♥♥
PS : Ne vous inquiétez pas, je suis certaine qu'elle va s'habituer à sa nouvelle vie.