Marie-Félcitié - Jane-Elizabeth et les agneaux (épisode 5)
(english below)
Il y a longtemps qu'avec ma machine à remonter le temps des poupées, je ne vous ai pas fait voyager au 18e siècle, en compagnie de Marie-Félicité et sa jeune femme de chambre, Madeleine (qui est en fait sa demi-soeur naturelle, née d'une amérindienne, mais... chut... on ne parlait pas de ces choses-là), ainsi que de son amie anglaise Jane-Elizabeth.
Pour celles qui n'auraient pas encore lu, ou qui auraient oublié, l'histoire de mes deux personnages dans la Nouvelle-France (Canada) de cette fin de 18e siècle, vous pouvez relire ou lire les 2 premiers articles qui vous rappelleront la situation de ces deux amies, une Canadienne française et une Canadienne anglaise dont l'amitié a survécu aux turbulences des conflits franco-anglais du Canada : le premier ICI, le second ICI.
Rendons-nous donc en ce jour d'été 1765.
Les parents de Marie-Félicité lui laissent maintenant du temps libre pour aller se promener car ils ont embauché un couple pour les aider au magasin général ; l'homme fait les manutentions et les livraisons et la femme s'occupe de la vente au comptoir. De ce fait Marie-Félicité peut accepter les nombreuses invitations que lui envoie son amie Jane-Elizabeth.
Cette dernière possède plus de robes qu'elle ne peut en porter et elle a fait cadeau à Marie-Félicité d'une belle robe jaune parce qu'elle estime que le jaune ne va pas à son teint de blonde mais convient à merveille au teint de rousse de son amie. Je dois dire que je suis assez d'accord avec elle. C'est cette robe que porte notre jeune Canadienne française pour se rendre à l'invitation de la jeune anglaise.
Jane-Elizabeth est tombée sous le charme des écrits de Jean-Jacques Rousseau, dont "Julie ou la nouvelle Héloïse" est devenu le livre de chevet préféré sur lequel elle a versé beaucoup de larmes et beaucoup rêvé. Depuis, elle n'aspire plus qu'à faire des promenade dans la nature, observation des animaux et des fleurs, et adore emmener son amie Marie-Félicité boire du lait fraichement trait dans une petite ferme à la sortie de la ville.
C'est ce qui s'est passé aujourd'hui. Lorsque la fermière les a vues arriver, elle leur a annoncé qu'une brebis avait mis bas deux jolis petits agneaux. Les jeunes filles ont immédiatement voulu aller les voir, et c'est là que ma machine à remonter le temps m'a déposée, ce qui m'a permis de prendre cette photo.
Habituée à une vie très aisée et entourée de domestiques prêts à satisfaire ses caprices, la jeune anglaise s'exclame :
- Que j'aimerais rapporter un des petits agneaux à la maison, j'adorerais le promener dans nos jardins avec une laisse en ruban .
Plus prosaïque, Marie-Félicité se dit qu'il ne vaudrait mieux pas qu'elle n'en rapporte pas un chez-elle sans risquer de le voir terminer en gigot sur la table familiale, mais elle se contente de lui répondre :
- Je crains que le jardinier de votre tuteur n'apprécie pas beaucoup cette idée, alors on ne vous permettrait sans doute pas de le garder.
- C'est vrai ! répondit en riant Jane-Elizabeth, abandonnant aussi vite cette idée qu'elle lui était venue.
Il n'y a pas que Jane-Elizabeth qui s'était prise de passion pour la campagne : l'engouement pour la vie champêtre se déployait en Europe : les grands seigneurs se plaisaient à ménager à leurs visiteurs des surprises "campagnardes", c'est d'ailleurs à cette époque que sont nés les pique-niques sur l'herbe. Cette mode était le reflet de l'influence de Jean-Jacques Rousseau qui prônait la simple vie rurale et le rappel des vertus ancestrales.
C'est également ce qui amené Marie-Antoinette à aménager une ferme autour du petit Trianon en créant le célèbre Hameau de la Reine. Ce hameau d'agrément fut commandé par la jeune reine qui souhaitait s'éloigner des contraintes de la cour de Versailles, avec la nostalgie de la vie plus rustique qu'elle menait dans son enfance, dans un décor de nature (inspiré là encore par les écrits de Rousseau), un petit coin paradis où le théâtre et la fête lui feraient oublier sa condition de reine. Cherchant un refuge dans une vie paysanne fictive, elle aimait venir y voir traire des vaches et les brebis (soigneusement entretenues et lavées par les domestiques, précisons-le).
Jean-Jacques Rousseau a écrit "Julie ou la nouvelle Héloïse" en 1761 ; ce fut un des plus gros tirages de livres du 18e siècle. Cet ouvrage séduisit ses lecteurs d'alors par sa peinture préromantique du sentiment amoureux et de la nature. Ce livre, situé dans le décor du lac Léman, en Suisse, raconte la passion amoureuse de Julie d’Étange, une jeune noble suisse, et de son précepteur, St Preux, un homme d’origine humble. Ils vont s’aimer, mais leur différence de classe sociale les force à garder leur relation secrète en raison des conventions sociales qui empêchent cet amour de s’exprimer au grand jour. Si cela vous tentait de découvrir cet ouvrage, il est en téléchargement gratuit en format PDF aux Archives de l'École Alsacienne ICI
Si la photo vous plaît, vous pouvez la voir en grand format plan large 1920 px, ou la télécharger, en cliquant ici : IMG_0860_1920
Bonne journée :-)
♥♥♥
A summer day in 1765 in New France (Canada).
It's been a long time since I took you on a journey to the 18th century with my doll time machine, in the company of Marie-Félicité and her young maid, Madeleine (who is in fact her half-sister natural, born to a Native American, but... shh... we didn't talk about those things), as well as her English friend Jane-Elizabeth.
For those who have not yet read, or who have forgotten, the story of my two characters in New France (Canada) at the end of the 18th century, you can reread or read the first 2 articles which will remind you of the situation of these two friends, a French Canadian and an English Canadian whose friendship survived the turbulence of the Franco-English conflicts in Canada: the first HERE, the second HERE.
So let's go to this summer day in 1765.