Quand Tommy et Annika rencontrent Fifi
Lorsque, par un beau soir d’été, Fifi franchit la première fois le seuil de la villa Drôlederepos, Tommy et Annika n’étaient pas chez eux. Ils étaient partis une semaine chez leur grand-mère.
Le lendemain de leur retour, tandis qu’ils se demandaient si la journée allait leur réserver des surprises ou si ce serait une journée tout à fait comme les autres, la grille de la villa Drôlederepos s’ouvrit et une fille apparut sur le seuil. Tommy et Annika n’avaient jamais vu une fille aussi étonnante.
Fifi Brindacier partait faire sa promenade matinale.
Ses cheveux roux comme des carottes étaient tressés en deux nattes qui se dressaient de chaque côté de la tête. Son nez, parsemé de taches de rousseur, avait la forme d’une petite pomme de terre nouvelle. Sous ce nez, on voyait une grande bouche aux dents saines et blanches.
Fifi descendit la rue, une jambe sur le trottoir, l’autre dans le caniveau. Tommy et Annika la suivirent du regard aussi longtemps qu’ils purent.
Peu après, elle était de retour. Fifi revenait en marchant à reculons – pour éviter d’avoir à faire demi-tour en rentrant.
Tommy prit la parole :
— Pourquoi marches-tu à reculons ?
— Pourquoi je marche à reculons ? C’est un pays libre, non ? J’ai le droit de marcher comme ça me plaît ! Et puis, permets-moi de te dire qu’en Égypte tout le monde marche à reculons. Et ça ne choque personne.
— Comment le sais-tu ? Tu n’es jamais allée en Égypte.
— Je n’y suis pas allée ? Alors là, je peux te jurer que si ! J’ai fait le tour du monde et j’ai vu des choses autrement plus bizarres que des gens qui marchent à reculons. Je me demande ce que tu dirais si je marchais sur les mains, comme les gens en Extrême-Orient.
— Je suis sûr que tu mens, répliqua Tommy.
Fifi réfléchit un instant.
— Bon, d’accord, c’était un mensonge, répondit-elle, désolée.
— C’est vilain de mentir, dit Annika qui avait enfin retrouvé sa langue.
— Oui, c’est très vilain, ajouta Fifi, encore plus désolée. Mais, tu comprends, il m’arrive parfois de l’oublier. Et comment peux-tu exiger d’une petite fille comme moi qu’elle dise toujours la vérité ? Ma maman est un ange, mon papa est le roi des Cannibales et j’ai passé ma vie à naviguer, alors, comment veux-tu que j’y arrive ? Et puis, je vais vous confier quelque chose, ajouta-t-elle avec un grand sourire envahissant son visage couvert de taches de rousseur. Au Congo, vous ne trouverez personne qui dise la vérité. Les gens mentent tout le temps, du matin au soir. Alors, si par accident il m’arrivait de mentir, essayez de me pardonner en vous disant que c'est parce que j’ai passé beaucoup de temps au Congo. Nous pourrions bien être amis, pas vrai ?
— Bien sûr, répondit Tommy en se disant soudain que la journée ne s’annonçait pas tout à fait comme les autres.
— Au fait, pourquoi ne viendriez-vous pas prendre votre petit déjeuner chez moi ? demanda Fifi.
— Euh… Pourquoi pas ? répondit Tommy.
— Allez ! On y va tout de suite, renchérit Annika.
Ils poussèrent la grille branlante du jardin de la villa Drôlederepos, montèrent l’allée de gravier bordée d’arbres moussus (des arbres faits pour que l’on y grimpe) et arrivèrent devant la véranda.
À suivre... (extrait du chapitre 1 de Fifi Brindacier par Astrid Lindgren)
Bonne journée :-)
♥♥♥
PS : au cas où vous ne sauriez pas que nos versions enfantines de la bibliothèque rose et verte étaient très sévèrement expurgées et censurées, voici un article qui vous parlera de la version originale de Fifi Brindacier : https://www.nouvelobs.com/rue89/notre-epoque/20180110.OBS0439/libre-feministe-elle-meme-fifi-brindacier-badass-avant-l-heure.html