Marie-Félicité - Voulez vous devenir mon amie ? (épisode 2)
Retour en 1764 en Nouvelle-France . Voici comment la Canadienne Française Marie-Félicité Mercier est devenue l'amie de la jolie anglaise Jane-Elizabeth Hamilton.
Les Britanniques ont reçu le Canada par le traité de Paris de 1763 (revoir ICI) et ils en ont pris le contrôle. Toutefois, nous allons revenir quelques instant en 1760 pour savoir pourquoi cette jeune anglaise s'est retrouvée à Montréal.
Durant la guerre de 7 ans, dans la Nouvelle-France Canadienne, l'objectif des Anglais était essentiellement la prise de Montréal car la possession de cette ville était la clé pour démanteler la colonie française du Canada.
Pour cela, le commandant en chef Amherst ordonna au lieutenant-colonel James Murray (qui avait déjà participé à la victoire contre la ville de Québec l'année précédente), de remonter le fleuve Saint Laurent avec ses troupes, des grenadiers et des rangers, jusqu'à Varennes et d'y établit un avant-poste.
Les milices canadiennes françaises n’opposèrent qu’une faible résistance éparse et décidèrent par centaines de rendre leur armes et de prêter un serment de fidélité au roi d'Angleterre (voir ICI). La jonction de l'armée de James Murray avec celles de Amherst et de Haviland devant Montréal entraîna la capitulation de la ville le 8 septembre 1760.
(pour la suite, jusqu'à la cession du Canada français aux Britannique en 1763, je vous renvoie aux explications que je vous avais données dans le message où je vous présentais Marie-Félicité).
En 1763 donc, la Proclamation Royale que fit le roi George III (voir ICI) réorganisa le territoire et donna un nouveau nom à la Nouvelle France canadienne qui devint alors "la Province de Québec".
Et James Murray en fut désigné gouverneur.
Ce ne fut pas vraiment un mauvais gouverneur ; après des débuts un peu durs, si j'ose dire, par lesquels il fit emprisonner et pendre des Canadiens français qui résistaient en refusant d'admettre que l'Angleterre avait bel et bien "gagné" le territoire lors de son abandon par Louis XV lors du traité de Paris de 1763, il tenta d'administrer l'ancienne Nouvelle-France en respectant la majorité canadienne-française qui formait quand même la presque totalité de la population.
Mais il avait reçu de Londres des directives concernent la disparition de la langue française, et de la religion catholique afin de parvenir à établir l'Église anglicane et les écoles anglaises, et là, ça coinçait parce que les Canadiens "dits français" voulaient continuer à parler leur langue et rester papistes.
Il fit ce qu'il put et il essaya d'appliquer une politique de conciliation dans le but de s'assurer de la fidélité des Canadiens français envers les conquérants et d'éviter la confrontation, mais il en était empêché par la loi britannique que son gouvernement avait mise en place et qui était fort discriminatoire envers les catholiques, ceux-ci étant écartés de toutes fonctions civiles ou judiciaires. Par chance, il fut aidé par les curés et les ordres religieux, qu'il respectait, pour la préservation de l'ordre dans les paroisses, en échange de son assistance financière ou autre.
Bien que la fameuse Proclamation royale ait prévu la création d'une Chambre d'assemblée, le gouverneur James Murray ne mit jamais à exécution cette création car les lois britanniques excluaient les catholiques de toute fonction s’exerçant sous l’autorité de la couronne, et James Murray imaginait mal 200 propriétaires anglais (estimation de 1764) qui auraient alors légiféré d'autorité pour une population de plus de 70 000 Canadiens "français"catholiques.
Et ce qui devait arriver arriva : il perdit l'appui du gouvernement britannique et fut rappelé à Londres en 1766 (où il continua sa carrière militaire et finit gouverneur de Minorque).
Quittons un peu la vérité historique ci-dessus, et entrons dans la fiction "poupesque" qui commence, comme je vous l'avais déjà précisé, en 1764.
Donc, notre gouverneur James Murray nouvellement nommé avait plusieurs aides de camps, dont un dénommé Jeffrey Hamilton qui avait une nièce, Jane-Elizabeth, dont il était le tuteur car les parents de la jeune fille étaient morts lorsqu'elle étaient encore une toute petite enfant. Jane avait été TRÈS gâtée par son oncle, qui, rarement présent, lui accordait tout ce qu'elle voulait quand il revenait dans sa belle maison londonienne. Avec les années, Jane était devenue ce qu'on appelait à l'époque "une jeune fille accomplie", sachant parler le français et l'italien, ayant de solides bases en histoire et en géographie, sachant broder, danser, chanter, jouer du piano et de la mandoline, tourner de jolies lettres, et monter à cheval comme une vraie amazone.... mais surtout, ayant un fort caractère volontaire tout en étant parfaitement aimable !
Lorsqu'il fut question que Jeffrey Hamilton s'en aille assister le nouveau gouverneur James Murray au Canada, il décida que sa nièce resterait à Londres en compagnie de sa grand-mère. Mais Jane, qui s'ennuyait fermement dans sa vie de "jeune fille accomplie" ne l'entendait pas de cette oreille, et rêvant d'aventures, elle fit le siège de son oncle durant des jours et des jours, employant alternativement le charme, le désespoir ou même parfois la menace de s'enfuir ! Et tonton Jeffrey finit par céder et emmener Jane à Montréal.
Mais voilà, ne pas pouvoir sortir d'une grande belle maison à Londres, ou d'une grande belle maison à Montréal, ça ne changeait pas grand chose, et au bout de quelques semaines de vie au Canada, Jane commençait à en avoir assez. Alors elle faisait venir des couturières pour faire retoucher ses ravissantes robes, et soupirait sur son ouvrage de broderie en rêvant d'aller se promener seule dans les rues, voir les "sauvages" de près, ou galoper jusque dans les profondes forêts qu'elle apercevait au loin.
Un jour, elle demanda à l'intendante de la maison de son oncle de faire venir une vendeuse avec des rubans car elle avait décidé de changer tous les rubans de ses jupons.
Et c'est ainsi que les parents de Marie-Félicité, dont on se rappelle qu'ils tenaient un très grand magasin général à Montréal, ont envoyé leur fille présenter un plein panier de ruban dans la demeure de Jeffrey Hamilton.
Dès son arrivée, l'intendante introduisit Marie-Félicité dans le salon de musique où se trouvait Jane. Lorsque cette dernière vit une jeune fille de son âge, elle fut ravie et lui acheta tout le stock de rubans qu'elle avait dans son panier.
Puis elle discutèrent un peu, d'abord avec distance mais devenant rapidement familières et spontanées après quelques échanges.
Marie-Félicité était étonnée que Jane parle parfaitement le français mais celle-ci lui expliqua qu'elle avait eu une gouvernante française durant toute son enfance et qu'elle ne lui parlait qu'en français ce qui lui avait permis de le maitriser autant que l'anglais.
Au bout d'un moment, Jane s'écrie :
- Que je suis heureuse de vous voir, si vous saviez comme je m'ennuie ici où je ne connais personne de mon âge. Je passe mes journées à jouer de cette stupide mandoline en chantant des chansons que personne n'entend, ou à broder des fleurs que personne ne voit ! J'ai l'impression d'avoir 80 ans et non pas 15 !! Voulez-vous être mon amie et venir souvent me voir ?
Marie-Félicité est amusée par cette jeune anglaise fougueuse et sympathique et lui accorde aussitôt la promesse de devenir son amie et de l'aider à s'habituer à sa nouvelle vie.
Nous verrons bientôt à quel point leurs vies seront embellies par cette amitié.
Bonne journée :-)
♥♥♥