Natasha n'est pas heureuse
Chapitre 38 des aventures de Fleur au Canada
Ce matin au petit déjeuner, Elsa a pris son ipad et a dit :
- J'ai demandé le nom de famille des nouveaux voisins à Grand-maman Nadette, et j'ai trouvé le Facebook de la nouvelle voisine ; elle s'appelle Natasha Kovalenko, et je crois que tu devrais le regarder.
- Puisque tu l'as déjà regardé, dis-moi donc ce qu'elle y dit ? répond Fleur qui a très envie de manger tout de suite son pancake bien chaud.
- Elle n'est pas heureuse, tout simplement, explique Elsa. Son petit frère est mort, elle a quitté son pays, et maintenant elle déménage à nouveau, c'est dur pour elle. Regarde la vidéo qu'elle a enregistrée hier quand on la voyait dans le jardin.
Fleur prend finalement l'ipad.
Sur la page Facebook de la jeune ukrainienne, elle voit une vieille photo de famille, sans doute elle et ses parents, quand elle était petite.
Puis, elle commence à regarder la vidéo.
Elle écoute Natasha expliquer : "Je ne suis pas, ou plus, tout à fait la joyeuse fêtarde que vous croyez connaître. Quand on a quitté l'Ukraine pour aller vivre à Montréal, j'avais 11 ans. J'étais si malheureuse de ne plus voir mes grands-parents, mes oncles, mes tantes, mes cousins. Puis il y a eu la mort de mon petit frère, dont je ne me remets pas parce que je resterai toujours sûre que j'aurais pu l'éviter ; à ce moment là, j'ai cru qu'on allait repartir, mais non, on est restés. Avec le temps, j'ai fini par m'habituer à ma nouvelle vie à Montréal, surtout quand j'ai commencé à faire du théâtre, c'était exaltant, tout le monde me disait que j'étais douée et que j'irai loin. Et voilà que mon père a changé de travail et qu'on vient de déménager ici, à Sherbrooke, où je ne connais plus personne. Tous mes amis sont à Montréal ; qu'est-ce que je vais faire ici ? Je n'ai envie de rencontrer personne ici, je veux juste retrouver mes amis qui me manquent et continuer à m'amuser avec eux ; on aurait passé un bel été à rire dans les parcs, aller bronzer à la plage, faire du bateau sur le fleuve. En plus, mon père s'est mis dans la tête que je devais faire des études "sérieuses". Pour lui qui est médecin, des études "sérieuses", c'est des études scientifiques. Et ma mère le soutient. Mais moi, je déteste les sciences, la chimie, la biologie, les maths. J'ai dit que je voulais bien faire des études dans le social, mais pas dans les sciences et que j'acceptais d'apprendre le métier de coordinatrice sociale à l'université parce que dans tout ce qu'ils proposent comme cursus, c'est le seul que j'ai trouvé qui me plaise à peu près. Il a dit que je devrai me payer mes cours de théâtre en bossant si je ne faisais pas un meilleur choix de carrière. J'ai vu que ça l'avait blessé que je ne veuille pas être "plus que ça". Il attend tellement de moi, tellement trop. Comme si je devais remplacer mon petit frère et rendre mes parents fiers de lui et de moi en même temps. Je sens que je vais détester cet endroit, détester ces études, détester tout ce qui est cette nouvelle vie que je dois recommencer une fois de plus".
Quand Fleur repose l'ipad sur la table, son pancake est froid, mais elle n'y fait plus attention ; elle a les larmes aux yeux.
- Pauvre fille. Il faut qu'on aille faire la connaissance de notre nouvelle voisine, dit-elle.
- Je le crois aussi, répond Elsa.
Les deux amies arriveront-elle a nouer une relation avec Natasha ?
Bon samedi :-)
♥♥♥