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Les mille et 1 passions de Guyloup
18 novembre 2024

Souvenirs de Joseph Wetalu : amérindiens en automne

(english below) Cet après-midi, bien qu'on soit dimanche, Calixe, la vétérinaire, est venue voir si tout allait bien pour Salammbô et son poulain. Après un rapide examen dans le box de la jument, en présence de Nilaq et Joseph Wetalu, elle les saluait et s'apprêtait à les quitter quand Nilaq leur a proposé de venir tous les deux prendre en café bien chaud à la maison avant qu'elle reparte.

Pendant la longue nuit durant laquelle la jument avait mis bas, Nilaq avait dû appeler la jeune vétérinaire car il y avait un souci avec l'expulsion du poulain qui ne se faisait pas. Une fois la naissance accomplie et l'inquiétude retombée, il a malgré tout fallu rester près de la mère pour vérifier qu'il n'y avait pas de complications. Calixe a donc passé la nuit dans le box, et Joseph est resté près d'elle pour lui tenir compagnie.

Au petit matin, Nilaq a remarqué que leur nuit auprès de la jument et de son petit avait beaucoup rapproché les jeunes gens, et il a deviné que quelque chose se nouait entre eux. Il en a bien sûr parlé à Nirlik qui a trouvé que c'était formidable, parce qu'elle aime beaucoup leur jeune employé, discret et travailleur, qu'elle sait hyper sensible, bien qu'il fasse tout pour le cacher sous un air taciturne.

 

Donc, lorsque les jeunes gens et Nilaq eurent été installés dans la cuisine, Nirlik leur a servi à tous les trois un café bien chaud et une brioche à la cannelle sortant du four.

Nilaq a rapidement mangé et bu, puis il a quitté la table en prétextant qu'il venait de se souvenir d'une chose à faire.

 En rapportant son mug à l'évier, Nirlik et lui se sont regardés en souriant et Nilaq a fait un clin d'œil à sa femme.

Le message est bien passé ! Aussitôt que Nilaq eut quitté la cuisine, Nirlik s'est approchée des jeunes et leur a dit qu'elle les laissait finir seuls leur café, car elle devait aller ramasser les œufs au poulailler et sortir quelques poireaux de terre avant que la nuit tombe.

- Laissez faire, Ma'ame, je vais y aller, a aussitôt répondu Joseph de sa voix tranquille avec son léger accent américain.

- Non non, pas de souci, je dois y aller parce que je veux vérifier quelque chose avec une de mes poules couveuses. En plus, c'est dimanche aujourd'hui, vous n'êtes pas censé travailler, Joseph. Finissez tranquillement vos brioches, je reviens plus tard.

Une fois seuls, Joseph et Calixe ont repris leur conversation.

On se rappellera que Joseph est un indien de la nation des Nez-Percés ; il a passé sa jeunesse auprès de son peuple, mais l'a quitté à 18 ans, suite à des bêtises d'adolescence qui lui avaient valu des démêlés avec la justice et mis en disgrâce auprès de sa famille, suite à quoi, après un cheminement jonché de regrets, il a fini par arriver ici au Canada et travailler à la ferme de Nirlik et Nilaq (revoir ICI)

Calixe, elle, sait qu'elle a eu une arrière-grand-mère abénaqui, mais ayant été élevée sans l'avoir connue, elle ne sait pas grand chose de la culture amérindienne d'autrefois, en dehors de ce qui se véhicule avec plus ou moins de véracité, et elle le regrette. De ce fait, elle est très intéressée par tout ce que peut lui raconter Joseph.

Il lui dit alors que son arrière-grand-mère lui a raconté une anecdote qui lui venait à elle-même d'un souvenir raconté par sa propre arrière-grand-mère, Niniikwezhig, ce qui voulait dire Petite Plume.

- Quel joli nom, s'écrie Calixe. Vas-y, raconte-moi cette anecdote.

Joseph commence à décrire la scène racontée par son arrière-grand-mère ; elle la lui a racontée tant de fois qu'il a l'impression d'en avoir été spectateur lui-même.

.......

"C'était par un jour d'automne froid comme aujourd'hui. Le clan levait le camp pour rejoindre leur abri hivernal au cœur de la forêt, où ils seraient à l'abri du blizzard et des accumulations de neige poussée par le vent. Les fourrures étaient chargées sur la selle du cheval et les peaux cousues constituant le tipi allaient être installées sur le travois qui serait accroché à la selle.

Le frère de mon arrière-grand-mère s'appelait Nibiingozhii, ce qui veut dire Petit nuage. Il ne voulait pas mettre sa fourrure protectrice sur ses épaules parce que son père ne mettait pas la sienne.

- Je suis un homme maintenant, je sais tirer à l'arc et je t'aide, alors je peux faire comme toi, je n'ai pas besoin de mettre ma fourrure comme ma sœur ou ma mère ou ma grand-mère !

Et son père, Binesiinh ingiigiigo, ce qui veut dire Soleil d'automne, lui a répondu que tant qu'il ne serait pas plus grand que sa sœur, il devrait porter sa fourrure en hiver.

- Et comment je fais pour devenir plus grand que ma sœur puisqu'on est nés en même temps ? 

- Il faut que tu travailles fort et tu grandiras comme un homme. Mais tu sais, on peut grandir par l'esprit autant que par le corps ; alors que ton esprit soit grand, et tu grandiras.

L'arrière-grand-mère de mon arrière-grand-mère a entendu ce que disait leur père à son jumeau, et elle ne l'a jamais oublié ; elle l'a souvent répété à ses enfants qui l'ont répété aux leurs : " on peut grandir par l'esprit autant que par le corps ; alors que ton esprit soit grand, et tu grandiras."

 

Mais à cet instant-là, il y avait un autre sujet qui l'inquiétait : durant tout l'été, des vêtements en peau frangés neufs cousus par sa mère, Zhaawanoong waabigwan, ce qui veut dire Sourire tranquille, avaient été échangés contre des chaudes fourrures. Et ils en avaient beaucoup, ce qui allait les aider à passer un bon hiver bien au chaud sous le tipi.

- Notre cheval va-t-il vraiment pouvoir porter tout ça ? On ne va pas devoir en laisser ici ? s'inquiétait-elle.

- Mais non, c'est une courageuse et forte jument, encore très jeune. Elle va porter toutes ces fourrures sans problème et tu auras bien chaud cet hiver, l'a rassurée sa grand-mère, Iwideng minikwe, ce qui veut dire Parle avec le vent.

Alors mon arrière-grand-mère a remercié la jument, et elle lui a dit qu'elle voulait la garder toujours.

Sa mère lui a annoncé alors que la jument était pleine et qu'elle aurait son petit l'été prochain, et qu'elle en aurait un autre dans deux printemps. Ainsi elle et son frère aurait chacun un cheval à eux, ainsi l'avait décidé leur père"

.......

Joseph était rêveur en finissant l'histoire, il se souvenait du rire de son arrière-grand-mère quand elle lui contait encore et encore cette scène qui lui avait été racontée lorsqu'elle était petite.

- C'est ainsi que mon arrière-arrière-arrière-grand-mère a eu un étalon, le second poulain de la jument qu'elle aimait beaucoup. C'était un très beau et fort animal, beaucoup venaient à elle pour que son étalon saillissent leurs juments, et ils apportaient des cadeaux pour cela. Elle a ainsi eu de quoi obtenir d'autres chevaux, et c'est elle qui a eu l'idée d'élever des chevaux, ce que fait ma famille depuis six générations.

- C'est une merveilleuse histoire que tu m'as racontée là, le remercie Calixe. 

- Je crois qu'il serait temps qu'on mange nos brioches et qu'on boive notre café parce que la nuit commence à tomber et Ma'am Nirlik risque de penser qu'elles ne sont pas bonnes si elle rentre et qu'on ne les a toujours pas avalées, d'autant plus que ses brioches sont toujours délicieuses !

Calixe se mit à rire et ils terminèrent rapidement. Puis elle est repartie, et Joseph est rentré dans le petit appartement d'employé où il habite près de la grange. Ce soir, il était rêveur. À quoi rêvait-il ? ou à qui ? à ses ancêtres, ou à la jolie vétérinaire ?

 

Bonne journée :-)

♥♥♥

 

This afternoon, even though it was Sunday, Calixe, the veterinarian, came to see if everything was okay for Salammbô and her foal. After a quick examination in the mare's box, in the presence of Nilaq and Joseph Wetalu, she greeted them and was about to leave when Nilaq suggested that they both come home for a hot cup of coffee before she left.
During the long night during which the mare had given birth, Nilaq had to call the young veterinarian because there was a problem with the foal's expulsion which was not happening. Once the birth was complete and the worry subsided, it was still necessary to stay close to the mother to check that there were no complications. Calixe therefore spent the night in the box, and Joseph stayed close to her to keep her company.
Early in the morning, Nilaq noticed that their night with the mare and her foal had brought the young people much closer together, and he guessed that something was developing between them. Of course, he told Nirlik about it, who thought it was great, because she really likes their young employee, discreet and hard-working, who she knows is hypersensitive, although he does everything to hide it under a taciturn air.
So, when the young people and Nilaq had settled into the kitchen, Nirlik served all three of them a hot coffee and a cinnamon bun fresh from the oven. Nilaq quickly ate and drank, then he left the table, pretending that he had just remembered something to do.
As he brought his mug back to the sink, Nirlik and he looked at each other with a smile and Nilaq winked at his wife.
The message got through! As soon as Nilaq had left the kitchen, Nirlik approached the young people and told them that she was leaving them to finish their coffee alone, because she had to go collect the eggs from the henhouse and take some leeks out of the ground before nightfall.
- Leave it to me, Ma'am, I'll go, Joseph immediately replied in his calm voice with his slight American accent.
- No no, no problem, I have to go because I want to check something with one of my broody hens. Besides, today is Sunday, you're not supposed to work, Joseph. Finish your buns quietly, I'll come back later.
Once alone, Joseph and Calixe resumed their conversation.
We will remember that Joseph is an Indian from the Nez Percé nation; he spent his youth with his people, but left them at 18, following adolescent misdeeds that had landed him in trouble with the law and brought him into disgrace from his family, after which, after a journey strewn with regrets, he ended up here in Canada and working on Nirlik and Nilaq's farm (see HERE).
Calixe knows that she had an Abenaki great-grandmother, but having been raised without knowing her, she doesn't know much about the Native American culture of the past, apart from what is conveyed with more or less truth, and she regrets it. As a result, she is very interested in anything that Joseph can tell her.
He then explains her that her great-grandmother told her an anecdote that came to her from a memory told by her own great-grandmother, Niniikwezhig, which meant Little Feather.
- What a pretty name, Calixe exclaims. Go ahead, tell me this anecdote.
Joseph begins to describe the scene his great-grandmother had told him; she had told it to him so many times that he felt as if he had been there himself.

....... "It was a cold autumn day like today. The clan was breaking camp to go to their winter shelter in the heart of the forest, where they would be safe from the blizzard and the accumulations of snow blown by the wind. The furs were loaded on the saddle of the horse and the sewn skins constituting the tepee were going to be installed on the travois which would be attached to the saddle.
My great-grandmother's brother was called Nibiingozhii, which means Little Cloud. He did not want to put his protective fur on his shoulders because his father did not wear his.
- I am a man now, I know how to shoot a bow and I help you, so I can do like you, I do not need to wear my fur like my sister or my mother or my grandmother!
And his father, Binesiinh ingiigiigo, which means Autumn Sun, answered him that as long as he was not taller than his sister, he would have to wear his fur in winter.
- And how do I become taller than my sister since we were born at the same time?
- You have to work hard and you will grow up like a man. But you know, one can grow in mind as well as in body; so be your mind big, and you will grow up.

My great-grandmother's great-grandmother heard what their father said to her twin, and she never forgot it; she often repeated it to her children who repeated it to theirs: "One can grow in mind as well as in body; so be your mind big, and you will grow."
But at that moment, there was another subject that worried her: all summer long, new fringed skin clothes sewn by her mother, Zhaawanoong waabigwan, which means Quiet Smile, had been exchanged for warm furs. And they had plenty of them, which would help them spend a nice warm winter in the tepee.
"Will our horse really be able to carry all that? Aren't we going to have to leave some here?" she worried.
"But no, she is a brave and strong mare, still very young. She will wear all these furs without any problem and you will be very warm this winter, her grandmother, Iwideng minikwe, which means Speak with the wind, reassured her.
Then my great-grandmother thanked the mare, and she told her that she wanted to keep her forever.
Her mother then told her that the mare was pregnant and that she would have her foal next summer, and that she would have another one in two springs. So she and her brother would each have a horse of their own, as their father had decided"............

Joseph was dreamy as he finished the story, he remembered his great-grandmother's laughter when she told him over and over again this scene that had been told to her when she was little.
- This is how my great-great-great-grandmother had a stallion, the second foal of the mare she loved very much. He was a very beautiful and strong animal, many came to her so that her stallion would cover their mares, and they brought gifts for that. She thus had enough to obtain other horses, and it was she who had the idea of ​​breeding horses, which my family has been doing for six generations.
- That's a wonderful story that you told me there, thanked Calixe.
- I think it's time we eat our brioches and drink our coffee because night is starting to fall and Ma'am Nirlik might think they're no good if she comes back and we still haven't eaten them, especially since her buns are always delicious!
Calixe started laughing and they quickly finished. Then she left again, and Joseph went back to the small employee apartment where he lives near the barn. Tonight, he was dreaming. What was he dreaming about? Or who? His ancestors, or the pretty veterinarian?

Commentaires
M
J'aime beaucoup cet épisode entre présent et passe. Un grand bravo à toi pour son scénario, samise en scène et tes belles photos qui nous font vivre cette double hidoitr<br /> <br /> A suivre donc 🥰🥰<br /> doux mardi<br /> bises
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G
Merci Mamieminette :-)<br /> Si tu aimes les imbrications entre passé et présent, tu risques d'être servie largement dans les semaines à venir. ; comme tu dis : à suivre !<br /> Bises
C
très belle histoire et si bien mise en scène. J'adooore
Répondre
G
Merci Chantal :-)<br /> Bises
T
Nirlik et Nilaq ont bien géré , sympa de leur part de permettre à Joseph de passer du temps avec sa belle vétérinaire ! Que c'est au cette transmission orale qui passe de génération en génération , il faut que ça continue !! Merci pour ce bel épisode de la vie de Joseph . Bisous du caillou .
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G
Merci Tigrette :-)<br /> En effet, Nilaq et Nirlik jouent un peu les entremetteurs pour le coup !<br /> Il faudrait que chaque famille ait des anecdotes qui se transmettent ainsi depuis des décennies, des aînés aux enfants, c'est beau cette continuité des souvenirs, et les enfants aimeraient sans doute ça dans leur jeunesse, avant de le transmettre à leur tour quand le temps est venu.<br /> Gros bisous :-)
S
j'ai bien apprécié l'histoire de la famille amérindienne de Joseph comme sa nouvelle amie Calixe à laquelle il s'est confié.<br /> Ces deux jeunes gens sont méritants et super leur rencontre, à suivre...<br /> Sympa Nilaq et Nirliq qui ont trouvé de bonnes excuses pour les laisser tout deux faire connaissance en dehors de leurs travail devant un bon café accompagné de délicieuses brioches !!!<br /> Bravo pour ces si belles saynètes.<br /> Bisous
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G
Merci beaucoup Soizic :-)<br /> Bises
L
Une bien jolie histoire avec deux jeunes qui vont peut-être se rapprocher de plus en plus, leurs histoires sont touchantes. Merci pour ce bon moment, on aurait bien pris le café avec vous tous ! Bises Martine
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G
Merci Martine :-)<br /> Le café, ET la brioche, ne pas l'oublier... c'est si bon !<br /> Bises
L
Moi aussi j’aime bien ecouter les souvenirs de Joseph et aller faire un tour au coeur du vécu des Amerindiens,quel beau travail de mise en scène, bravo et merci!<br /> Bonne semaine, bises
Répondre
G
Merci beaucoup Béatrice :-)<br /> Bises
P
Une très belle histoire et de superbes photos ! Je suis toujours admirative de tous les détails de tes saynètes. Bonne journée ! Bises
Répondre
G
Merci beaucoup Pascale :-)<br /> Bises
M
Merci pour cette jolie histoire. C'est formidable d'en apprendre autant grâce à Joseph Wetalu (enfin grâce à toi !) Je comprends que Joseph soit rentré rêveur chez lui, sans doute à cause de ses souvenirs mais probablement aussi à cause du sourire de la jolie vétérinaire.<br /> Bises et Bonne journée,<br /> Martine
Répondre
G
Merci Martine :-)<br /> Je pense aussi qu'il doit rêver des deux !<br /> Bonne journée,<br /> Bises
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Franco-Canadienne, photographe et auteure d'histoires (pour enfants de 6 à 106 ans, et plus !) illustrées de photos réalisées avec des poupées, décors, vêtements, meubles et accessoires miniature divers, collectés au fil du temps ou réalisés de mes mains (couture, tricot, broderie, bois, carton ou pâte polymère, peinture, etc) et très rarement ajout de graphisme digital dans le post-traitement.
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