Les petites filles modèle : des robes pour Camille et Madeleine + anecdote
Dans le roman "Les Petites Filles Modèles" de la Comtesse de Ségur, au chapitre 1, dont le titre est 'Camille et Madeleine", on peut lire ceci :
" Mme de Fleurville était la mère de deux petites filles, bonnes, gentilles, aimables, et qui avaient l’une pour l’autre le plus tendre attachement. On voit souvent des frères et des sœurs se quereller, se contredire et venir se plaindre à leurs parents après s’être disputés de manière qu’il soit impossible de démêler de quel côté vient le premier tort. Jamais on n’entendait une discussion entre Camille et Madeleine. Tantôt l’une, tantôt l’autre cédait au désir exprimé par sa sœur.
Pourtant leurs goûts n’étaient pas exactement les mêmes. Camille, plus âgée d’un an que Madeleine, avait neuf ans. Plus vive, plus étourdie, préférant les jeux bruyants aux jeux tranquilles, elle aimait à courir, à faire et à entendre du tapage. Jamais elle ne s’amusait autant que lorsqu’il y avait une grande réunion d’enfants, qui lui permettait de se livrer sans réserve à ses jeux favoris.
Madeleine préférait au contraire à tout ce joyeux tapage les soins qu’elle donnait à sa poupée et à celle de Camille, qui, sans Madeleine, eût risqué souvent de passer la nuit sur une chaise et de ne changer de linge et de robe que tous les trois ou quatre jours.
Mais la différence de leurs goûts n’empêchait pas leur parfaite union. Madeleine abandonnait avec plaisir son livre ou sa poupée dès que sa sœur exprimait le désir de se promener ou de courir ; Camille, de son côté, sacrifiait son amour pour la promenade et pour la chasse aux papillons dès que Madeleine témoignait l’envie de se livrer à des amusements plus calmes.
Elles étaient parfaitement heureuses, ces bonnes petites sœurs, et leur maman les aimait tendrement ; toutes les personnes qui les connaissaient les aimaient aussi et cherchaient à leur faire plaisir."
Alors voilà, j'ai moi aussi voulu leur faire plaisir et je leur ai cousu des tenues toutes neuves.
Bon, enfin... c'est presque ça ! En réalité, j'ai surtout voulu préserver les tenues originales d'époque de ces deux poupées vintage et leur en mettre des nouvelles qui ne craindront pas les sorties dans la nature pour faire des photos.
Mais chut, ne le leur dites pas !
Voici Madeleine, en rose.
Et voici Camille, en lilas :
J'ai utilisé du seersucker pour coudre ces robes. Et j'ai une anecdote au sujet de ce tissu.
Pour une fois, j'ai passé outre mes convictions environnementalistes, et je suis allée dans un des deux magasins de tissu de Sherbrooke (une des plus grandes villes du Québec), car je voulais deux coupons de seersucker, rayé rose et blanc pour l'un, et rose et bleu pour l'autre.
Lorsque je suis arrivée au premier magasin, j'ai demandé où je pouvais trouver du seersucker. "Du quoi ?" fut la réponse de l'employée, ahurie.
J'explique ce que je cherche, en me disant que peut-être, au Québec, ça porte un autre nom.... "Non, connais pas", me répond-on.
Une autre employée interpelée confirme : "Jamais vu ça" dit-elle.
Elles en appellent une troisième : même écho, et même tête ahurie.
Finalement, sur mon insistance (insistance un peu perplexe et agacée, je l'avoue !), on m'envoie voir "la patronne". Ah ! enfin quelqu'un qui connait ce tissu ! La dite patronne me dit "mais oui, bien sûr, mais il ne reste que du lilas".
Et elle m'a emmenée dans un coin d'étagères du magasin où se trouvait une fin de rouleau de seersucker lilas qui semblait traîner là depuis des lustres, sinon plus. Mais miracle, il en restait aussi un peu de rose. "Vous avez de la chance" m'a-t-elle dit.
À ma question "comment se fait-il que des personnes que je vois travailler à la coupe du tissu dans ce magasin à chaque fois que je viens ici depuis plus d'une décennie, sinon deux, ne sachent pas ce qu'est du seersucker ?", je n'ai eu qu'un sourire avec un haussement de sourcils et d'épaules impuissant en guise de réponse.
Bon, je suis repartie avec mes coupons de 50 cm.
Et comme on passait devant, je me suis arrêtée à l'autre magasin de tissu. Un peu plus moderne d'allure, un style différent de l'autre, mais pratiquant des prix un peu plus élevés. Je suis allée à la coupe, et j'ai interpelé une employée : "Avez-vous du seersucker ?".... En guise de réponse j'ai à nouveau vu deux yeux ahuris et pleins d'incompréhension.
Mais là, ça a été plus vite, la seconde employée savait de quoi il s'agissait, oui !!!
Toutefois, sa réponse fut décourageante : "On n'en a pas. Je crois que c'est difficile à trouver. Il faudrait peut-être aller sur internet".
Sans commentaire !!!!!!!
Je précise que ce sont des succursales des deux plus grands magasins de tissus du Québec, qui ont des enseignes dans toutes les grandes villes de la province.... pas des petits revendeurs du coin avec des employés à la petite semaine.
Bref, au lieu d'une robe en seersucker rose et une en seersucker bleu ciel, Camille et Madeleine auront eu du rose et du lilas. J'espère que ça leur plait. Et que ça vous plait aussi.
Un peu d'histoire ?
L’histoire du seersucker débute en Inde, dans les années 1600. À cette période, la matière porte encore le nom de shir o shekar, soit « lait et sucre » en persan. Une référence au toucher lisse et doux du lait et à l’aspect rugueux et craquant du sucre. Elle composait les turbans des commerçants des bazars iraniens, mais s’est très rapidement trouvée marchandée par les navires de la Compagnie Britannique des Indes. Par usage, le shir o shekar est devenu sea sucker, puis seersucker.
Le seersucker est surtout connu pour sa texture. À l’origine confectionné à partir de fils de soie et de coton, son aspect gaufré venait naturellement, après un simple lavage. À l’épreuve de l’humidité, le coton rétrécit, tandis que la soie reste intacte. L’alternance entre le fil serré et l’autre, plus lâche, créait ce relief si caractéristique.
Le seersucker est désormais fabriqué à partir d’une multitude de matières premières : coton, nylon, rayon, etc. Si certains utilisent des produits chimiques pour artificiellement faire se rétracter les fils, ce sont généralement des machines qui permettent d’obtenir un tissu texturé. En faisant varier la vitesse de la chaîne et de la trame, la machine créé un déséquilibre de tension, ce qui donne un effet froissé au seersucker (même 100% coton).
Si vous voulez voir la photo de Camille et Madeleine en plan large et grand format 1920 pixels, cliquez ICI
Bonne journée :-)
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